Après un été 2022 sur les pistes du Nord de l’Europe, j’avoue avoir pris goût à la fraicheur du Nord, aux soirées au crépuscule sans fin, aux paysages bruts et minéraux et à la gastronomie des pays du Nord… là je déconne, vraiment.
Le projet était de monter vers l’Islande, car je rêve depuis plus de 20 ans d’y aller, j’avais un peu d’argent de côté, comme je ne compte pas investir prochainement, ni à long terme d’ailleurs, c’était l’occasion de me faire plaisir. L’avion, c’est niet, 2022 était une entorse de 296 kg, là on va faire autrement. Il y a bien un ferry pour y aller au départ du Nord du Danemark, c’est pas sans carbone non plus, mais c’est bien mieux que l’avion et que la croisière, ça le fait. J’adore voyager en bateau, tout l’imaginaire qu’il y a autour du voyage en bateau me plait énormément. Après je n’ai jamais passé plus de 4h sur un ferry et je ne sais pas du tout si je vais supporter le voyage, qui vivra verra.
Je prends mes billets en février pour un aller-retour en juillet avec vélo. Le but est de faire une traversée de l’Islande sur deux semaines. En prenant les billets, je vois que le bateau fait escale aux Iles Féroé et il y a possibilité de rester quelques jours avant de repartir vers l’Islande. Allez hein, c’est l’occasion de découvrir cet archipel baigné de vents et de pluies, soit ce qui ressort le plus dans les descriptions des iles. Par la suite je commence à compiler les cartes et les infos pour me familiariser avec le terrain et avoir une ébauche de programme. Deux mois avant le départ, je casse mon vélo… J’en parlerai plus longuement dans un autre article, mais je n’ai plus mon monstercross qui était idéal pour les terrains islandais.

Je me retrouve donc avec juste un gravel et, en dehors des fjords à l’Ouest et à l’Est, l’Islande n’est pas gravel, la route circulaire ne m’intéresse absolument pas, j’essai d’imaginer de transformer mon fixe, mais je reste limité à des pneus trop fins. La traversée est compromise. J’y réfléchis quelques temps dans la période où je peux encore changer ou annuler mes billets. Je panique un peu, je peux changer mon billets et y aller avec la voiture, ce ne sera pas pareil, mais je pourrais rouler et randonner, je ne veux vraiment pas annuler mes vacances, ce serait un gros échec. Je change donc mes billets, ça me coute un bras en plus, sans compter que j’ai quelques imprévus financiers qui me limitent, je ferais avec. Avec la voiture équipée, la tente de toit et tout le matos à l’intérieur, je vais économiser sur l’hébergement. J’aurais un peu plus de confort et de chaleur si besoin, ce ne sera pas le bike trip mais bon ça reste de l’outdoor. Je ne suis pas que cycliste surtout que je sortirais de deux mois de terrain et l’envie d’être dehors non-stop devient limitée.

Me voilà donc parti en roadtrip le 28 juin vers le port d’Hirtshalls dans le Nord du Danemark, une première étape avec une gueule de bois pour bien profiter de la route. Arrêt au bord de la Baie de Jade sur la mer du Nord en Allemagne et puis le lendemain ce sera passage à Hamburg et puis traversé du Danemark pour passer la nuit près du port et enfin prendre ce ferry que j’attendais tant.
MS Norrona
Pour le présenter, le MS Norrona est un ferry de 164 m qui assure la liaison tous les 5 jours entre le Danemark et l’Islande en passant par les Iles Féroé auxquels il est rattaché. Il navigue depuis 2003 et je ne cache pas que j’étais ultra excité à l’idée de le prendre. Je trépignais d’impatience à Hirtshalls et dès que je l’ai aperçu il m’a semblé impressionnant, c’est là que j’allais quand même passer 5 jours, en trois fois, mais 5 jours et 3 nuits quand même.

L’attente dans le port est interminable mais j’accède finalement au dock, je gare la voiture et j’explore le bateau en déposant d’abord mes affaires en cabine. Il y a 9 niveaux dont 7 accessibles. Tout en bas, la salle de sport, la piscine, le sauna, au dessus les dortoirs, deux niveau de dock inaccessible durant la traversée. Au 5e les cabines, la cafétéria, le magasin duty free et le cinéma, au dessus les cabines et les restaurants chers, au dessus deux niveaux de cabines avec des petites terrasses sur le 8e deck, et le deck extérieur au niveau 9 avec un bar panoramique. C’est un vrai village avec tout ce qu’il faut, sa vie, son ambiance. J’ai exploré les moindres recoins et j’ai fait tout ce qui était possible en activité.
La fin d’après-midi et le soir se sont bien passés, après un long moment au port pour faire le plein, nous avons largué les amarres et pris le large. Le navire a d’abord longé les côtes norvégiennes avant de prendre le large et de traverser la Mer du Nord. Après un long moment à observer la mer et à trainer sur les docks, je suis allé me coucher dans ma cabine.
Durant la nuit, le balancement des vagues s’est fait plus important et je me suis réveillé plusieurs fois après de gros chocs dans le creux des vagues qui faisaient vibrer toute la coque, de 164 m… Le matin je vais à la cafétéria et j’avoue qu’il y avait un peu de roulis et de tangage. C’est toujours mieux d’avoir le ventre plein pour mieux vivre la traversée, donc je déjeune bien, mais après quelques temps à trainer sur le bateau, je remarque que peu de personnes se promène dans les allées et que le mal de mer commence à monter. C’est pas violent mais ça monte petit à petit, une légère nausée, pas violente mais présente, et la tête qui tourne avec des vertiges. J’essaie de me ressaisir, je n’ai jamais connu ça, je m’habitue au mouvement en fixant la mer et en compensant le mouvement mais rien n’y fait, ce n’est pas qu’une réputation, la Mer du Nord c’est un morceau. Le mal monte petit à petit et ce sont les vertiges qui sont les plus durs et rien n’y fait ça ne passe pas et ça empire. Quand je m’étais renseigné sur le mal de mer, il était indiqué que certains marins sautaient à l’eau pour que le mal cesse, j’avais trouvé ça ridicule sur le coup, beaucoup moins maintenant. Rien de violent non plus, ça bouge mais ce n’est pas le 40e Rugissant, c’est «malgré tout notable avec des beaux creux. Je passe la matinée tant bien que mal. Vers midi nous passons les Îles Shetlands, la mer se calme un peu, mais après c’est l’Atlantique avec la traversée du Gulf Stream. Je ne vais pas prendre le risque que ça empire, après le repas du midi je fonce dans ma cabine pour me poser. Ça ira beaucoup mieux dans l’après-midi.
Nous aborderons les Îles Féroé en fin de soirée. Les fjords féroiens se découperont dans la masse de nuages qui restent bien souvent accrochés à ces iles atlantiques. Le débarquement est rapide est il faut rapidement trouver ou me loger, je passe par le camping de la capitale mais il est bien sûr complet, toit le monde a anticipé, sauf moi et bien évidemment le bivouac est interdit. Et malheureusement il y a très peu d’arbres sur l’île pour se cacher des regards, je tente un premier bosquet mais il est entouré d’habitations et je sens déjà les regards sur moi. Je sors donc de la ville et je descends sur une route à sens unique vers une anse à 20 minutes de là avec un petit parking. Je serais bien et même si je me ferais klaxonner deux fois par un véhicule, je ne verrai pas la maréchaussée, vu le niveau de vie et le respect des règles, je pense que j’aurais pris un coup.

Les îles Féroé – Grandiose

Sur la route de l’Islande, j’ai fait un petit tour par les Féroé, c’était le moment ou jamais. Les îles à égale distance de l’Écosse et de l’Islande sont connues pour leur rudesse et leur climat particulier, il fallait découvrir cela.

Déjà le relief de fjords basaltiques montrent des falaises partout. Les glaciers ont taillé la roche pour avoir des successions de vallées longilignes aux sommets démesurés. C’est un archipel d’îles montagneuses où le plat n’existe pas. Les rares zones en pente douce se situent au pied des cirques glaciaires et elles sont occupées par les villes et villages.

L’exploration s’est faite en voiture et à pied, mais avec l’oeil du cycliste, si la pluie, le vent et les montées ne vous dérange pas, ça passe.
Déjà le réseau routier est très limité avec 500 km de routes sur tout le territoire. La plupart sont des axes importants avec un trafic qu’il faut appréhender sans voie cyclable, ce n’est pas impossible. Il y a pas mal de tunnels qui peuvent être pris à vélo mais sur l’un d’entre-eux j’ai des doutes. Une seule route de 3 m de large sur 3 km prise alternativement par les voiture avec un bas côté rempli d’eau.

Pour les reste, toutes les petites routes sont magnifiques. J’ai trouvé une portion de gravel de 10 km, au delà, il ne faut pas compter sur les chemins qui au mieux se font en VTT et le reste en portage. C’est quasiment que de la route avec des cols de 300-400 m qui s’enchaînent entre les fjords.

Passé le réseau routier, les Féroé possèdent un climat bien à elles, il se dit qu’on a les 3 saisons dans la journée, j’ai bien vu l’automne mais j’ai attendu le printemps et l’été… Étant le seul relief à 400 km à la ronde, les nuages venant des 4 vents aiment s’y accrocher et se délester d’un peu d’eau pour mieux passer les à-pics. Il faut aussi noter que les vents aiment s’engouffrer dans les vallées pour secouer les toiles de tente et y enlever les gouttes déposées précédemment.

Pour dormir il y a autant de campings que d’arbres, c’est à dire une vingtaine. Le camping sauvage est interdit, j’ai testé le premier soir, j’ai eu le droit à un local qui est passé 3 fois en klaxonnant parce que j’étais installé sur un parking au bout d’une impasse. Je l’ai gentiment attendu pour lui démontrer que le basalte est plus dur que le verre, malheureusement il n’est pas repassé. Mention spéciale pour le camping d’Elduvik, dans un cadre préservé et accolé a un village typique, il est gratuit et en s’accommodant des légendes locales sur les êtres vivants dans les roches, on y passe une bonne nuit.

L’archipel possède donc un caractère très sauvage, aucune falaise ne se ressemble, l’herbe est verte, les plages noires, la vie un peu cher avec, en particulier, entre 10 et 20€ pour chaque tunnel passé (en voiture) et 25€ pour accéder à un chemin de rando vers le site le plus visité du pays. Mais passé cela, les macareux sont adorables, il fait toujours beau entre deux pluies et les sites sont vraiment grandioses.

C’était une bonne mise en jambe avant d’attaquer l’Islande qui, à ce qu’il parait, promet aussi d’être une bonne découverte.

























L’Islande du Nord – Immense

Après une nuit dans l’Atlantique Nord, je posais enfin le pied en Islande. Je revais de cette île depuis que j’avais lu « Voyage au centre de la Terre » il y a 25 ans, c’est pour dire. En voyant l’île, je ne tenais plus en place dans le bateau, j’ai dû en faire le tour 10 fois en attendant d’accoster.

L’arrivée fut fraîche et matinale, 4° dans le fjord de Seydi à l’Est du pays. Le plan était simple, j’avais bien étudié les cartes pour mixer un peu de tourisme en roadtrip et rando, et quelques excursions à vélo dans le centre. Il n’y avait vraiment que des grandes lignes avec un tour dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, d’abord le sud puis le nord pour finir avec une bonne liste de sites à voir et des boucles à peu près tracées. Mais à la seconde où je sors du bateau, j’inverse mon tour, je ne sais pas encore pourquoi, mais pourquoi pas.

Me voilà donc à sortir du fjord dans une purée de pois sans savoir ce que j’allais vraiment faire de ma journée. Je profite de la première ville, Egilsstadir, pour faire un plein de course et aviser. Ce sera donc le Nord, avec quelques sites à voir, ici ils appellent ça des attractions, j’aime pas trop ce mot, j’ai l’impression d’aller au Space Mountain, mais… mais.

Durant les deux heures jusqu’à la cascade de Dettifoss, je parcourais des plaines dénudées, des vallées encaissées aux torrents déchaînés, quelques pâtures, des fjords, des marais, des montagnes variées, de la végétation quand même, quelques maisons et commerces, des stations-services disséminés ça et là sur la route mais rien d’autre. Et une route, la route circulaire, la route 1, elle a le rôle d’artère principale de l’île, elle fait circuler les véhicules au rythme des pulsations de l’aéroport, des cars, des camping-cars, des voitures de location… Le trafic peut y atteindre 10 000 véhicules par jour, les pistes cyclables ne sont pas légion et explorer l’île par cette route ne m’enchanterai guère. Le réseau secondaire est présent mais limité et il ne laisse pas trop de choix, le revêtement disparaît rapidement, le trafic aussi, et ce sont deux arguments qui me confortent dans le choix me concentrer sur les routes de montagnes et l’intérieur du pays.

Lors de cette première journée, je voulais donc voir la cascade de Dettifoss car elle a servi pour pas mal de films, et c’est la plus puissante et aussi la plus proche du port. Néanmoins, l’arrivée sur place est une petite désillusion. Déjà je voulais la voir depuis sa rive droite, j’arrive en rive gauche, j’avais oublié que les rivières s’écoulaient de l’amont vers l’aval. Je vais m’éviter les 50 km de détour en restant ici, mais sur place le parking est plein à craquer. Il y a vraiment beaucoup de touristes. Je passe rapidement sur le site principal et je me détourne vers les cascades secondaires qui n’ont pas d’aménagements d’accès et n’en sont que plus belles. Je vais donc comprendre rapidement, que les attractions portent se nom au premier sens du terme, elles attirent vers elles les flux drainés par la route circulaire. Je suis aussi là pour ça, mais je sélectionnerai plus par la suite pour me limiter aux sites moins accessibles.

Durant ces quatre premières journées, je parcourrais donc toute la partie sur la plaque de l’Amérique du Nord. J’enchaînerai les zones géothermiques, les cratères, les coulées de laves, les cascades… Sans oublier de profiter des bains chauds et des soirées sans fin. Le temps d’abord frais s’est fait plus doux et vraiment très doux ces deux derniers jours. Les nuits restent fraîches, mais sèches.

Au niveau ressenti, autant aux Féroé il y avait une certaine proximité, le paysage est palpable, à échelle humaine, accessible et compréhensible, autant en Islande, tout est immense. La nature des terrains et très complexes et les sites exceptionnels, le sont, bien entendu, mais ils ne représentent au final que quelques points d’intérêts qui cachent une variabilité incroyable des paysages.

Tout ne peut pas être vu, il faut un fil directeur dans la découverte de l’Islande pour ne pas se perdre dans l’immensité de sa géographie au risque de survoler les attractions principales et de louper l’essentiel.

J‘arpenterai donc tout ce Nord au gré de mes envies jusque l’aire capitale de Reykjavik au sud de laquelle les plaques changent et le voyage prend une autre tournure.

Je viserai surtout sur le site qui m’a donné envie de venir ici, le Snaefell. Extrémité ouest de la Péninsule de Snaefellsnes, l’ancien volcan recouvert d’un glacier m’est apparu comme le Mont Fuji. Il a alimenté mon imaginaire et ma soif de découverte, je ne pouvais pas ne pas le gravir. Dans le livre de Jules Verne, l’accès vers le centre de la Terre pourrait être à son sommet, je voulais m’en rapprocher. L’ascension n’est ni difficile ni longue, étant seul et pas équipé pour gravir un glacier, je me suis arrêté à 1 km du haut à la vue des crevasses qui se développaient devant moi comme pour m’empêcher une découverte, ou une désillusion. Je garde alors le mystère pour une autre fois, même si ce n’est pas le plus important.

Me voilà donc après 5 jours de route sur la plaque eurasienne. Autour de la faille marquant la rupture, les zones actives se succèdent et offrent des spectacles et des témoignages de la proximité du manteau terrestre. Il y a également eu quelques secousses ces derniers jours mais pas encore assez pour traduire l’arrivée d’une éruption. Je me contenterai déjà de tout le reste, ce qui est déjà assez conséquent et je pars demain explorer les terres intérieures avec une locomotion plus douce mais non moins confortable pour apprécier le paysage.


































La suite sur l’Islande du sud est ici
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