Rouler avec les moutons. Découverte du Pays de Galles en bikepacking

Ayant quelques jours de disponibles durant ce mois d’octobre, nous décidions avec Pouflette (aka Capucine) de partir explorer les Pays de Galles.

Pourquoi le Pays de Galles ? Par sa proximité, son dépaysement et que sa traversée était possible en une semaine. Après quelques recherches, je trouva sur Komoot une trace gravel faite par un journaliste-cycliste allemand Martin Donat. C’était plié.

Quelques temps plus tard, nous voilà sur la route en voiture en direction de Newport, au sud du pays, au départ de la trace. Notre premier contact avec un gallois à la réception de l’hôtel donna directement le ton. La réputation de leur accent n’était pas une légende, cela fait partie du folklore ! Le plan était de laisser la voiture à Newport et de partir à vélo vers Bangor (prononcez Benga) dans le Nord pour parcourir 300 km et de revenir ensuite dans le Sud en train. Ça avait l’air simple…

Première journée : 97 km, 1054 m – Newport – Builth Wells

https://www.strava.com/activities/1905903829

Le premier jour, après un petit-déjeuner copieux pour 4£, il nous fallut trouver une place de parking. Les britanniques étant tatillons sur le stationnement long, nous avons trouvé un parking public gratuit limité à 12h pour les 5 jours qui suivaient, un petit mot derrière le pare-brise pour indiquer que nous étions de bons français…

Et nous voilà partis sur la première portion de la trace. Nous avions prévu à peu près 4 jours pour faire la totalité de la trace sans vraiment prévoir les étapes.

La première demi-journée se déroula sur une voie verte le long d’un canal. Celui-ci se situé non en fond de vallée, mais perché sur un coteau et se déroulait à travers les paysages de bocage de cette partie sud de la nation.

La trace quittait ensuite le canal pour descendre vers Abergavenny, l’occasion de faire une pause déjeuner à coup de sandwich et de porridge en dessert.

La première après-midi nous attaquions le premier col avec une montée régulière dans le fond de la vallée du Afon Honddu. Le parcours empruntait les petites routes à travers le bocages avec les monts dénudés de part et d’autre. Au détour d’un hameau nous croisions l’abbaye en ruine, le Priordy Llandewi, l’occasion de faire une pause de de faire quelques clichés de cette abbaye au coeur de son écrin d’herbe vert fluo.

Par la suite les pentes se faisaient de plus en plus importante en se rapprochant du Gospel Pass. Les routes galloises sont agréables à rouler et malgré leur étroitesse, il nous apparu rapidement que les automobilistes étaient très respectueux et il n’y a pas de hiérarchie sur la route, c’est bien la première fois qu’un conducteur me fait signe pour l’avoir laissé passé.

Les dernières pentes vers le Pass ont permis de ne pas nous refroidir et de commencer à traverser la lande galloise. Une fois la haut un paysage de bocage se présenter à nous.

Au moment de nous remettre en route, la trace ne suivait pas la seule et unique route qui passait là mais s’orienter vers la gauche et les prairies. Après un premier moment d’hésitation, nous nous sommes lancés sans réel chemin à travers les prairies et les moutons, c’était un poil technique mais très plaisant.

La suite du parcours suivait le bocage et le jour déclinant, nous avons fait le choix de pousser jusque Builth Wells pour passer la nuit. La dernière portion était sur une route assez roulante, une des deux seules de la trace.

Arrivée à Builth Wells, pas de camping ouvert sur place, nous avons choisi de passer la nuit avec les moutons à proximité de la ville après s’être rassasié chez Burger King.

La tente plantée, la nuit fut la plus fraiche mais surtout la plus humide mais sans descendre sous les 10 °C.

Deuxième jour : 72 km – 1100 m – Builth Wells – Devil’s Bridge

https://www.strava.com/activities/1905903806

Le matin du deuxième jour, le rangement de la tente fut rapide une station (multi)service sur le début de la trace était parfaite pour le petit-déjeuner. Nous sachions qu’ensuite il n’y avait pas de ravitaillement possible pendant une centaine de kilomètres, c’était aussi l’occasion de faire le plein de bouffe.

Durant toute la matinée, la trace montait petit à petit à travers les paysages gallois, en croisant des moutons, toujours plein de moutons. Nous savions que nous allions croiser quelques lacs dans la journée et le premier barrage commençait déjà à se profiler à l’horizon. Arrivé dans le haut de vallée, le basculement vers le plateau laissa place à un tout autre paysage, d’une vallée couverte de prairies entrecoupées de haies et de lambeaux de forêt, nous arrivions sur la lande et un paysage plus minéral.

La perspective se développait sur ces paysages de highlands bordés par les lacs et sous un soleil radieux. Le paysage se laissait traverser en régalant les yeux et en oubliant totalement l’effort.

A part quelques espaces touristiques, il n’y avait que très peu d’habitations et pas d’agglomération, quelques chemins et un cours d’eau tumultueux qui nous a accompagné pendant un moment. Sans parler des moutons.

Au deuxième barrage, c’était l’occasion de faire une pause déjeuner à la fin de la route goudronnée.

La suite se déroula sur une piste caillouteuse le long du plateau. C’était l’unique voie qui remontait le Claerwen Reservoir sur une trentaine de kilomètres. L’occasion de croiser des moutons (encore), un cowboy gallois et deux voitures aventureuses bloquées sur le bas-côté. La première que nous avons croisé nous interpella pour l’aider à la débloquer mais sans résultat. Il n’y avait pas de réseau sur place, comme sur une bonne partie de la trace, nous avons donc pris son point GPS et prévenu les secours une vingtaine de kilomètres plus loin. Ce qui, déjà, nous a laissé un aperçu du fait qu’il faut être prudent dans ces espaces car il n’y a pas toujours de joker.

Après avoir admiré d’autres réservoirs depuis les hauts plateaux, nous retournions ensuite dans le bocage. Le soleil déclinant rapidement, il faisait nuit à 18h30, notre objectif était d’atteindre Devil’s Bridge et ses fameuses cascades. Arrivés sur place, nous avons posé les vélos rapidement dans un camping accueillant pour pouvoir visiter les cascades au crépuscule.

La tente rapidement plantée, le vent se leva en début de soirée mais nous avons pu nous abriter pour manger le soir et profiter de la nuit galloise.

Troisième jour : 69 km 1200 m – Devil’s bridge – Trawsfynydd

https://www.strava.com/activities/1905903821

Au lever du jour, le temps était plus couvert que la veille mais pas encore trop humide. Nous avons attaqué un nouveau plateau, suivi le Nant y Moch Reservoir sur une piste de graviers et de cailloux avec la pluie qui s’installait peu à peu. Le chemin était plus technique que celui de la veille avec plus de cailloux et quelques passages à gué.

Capucine a découvert le VTT durant la Tuscany Trail début juin (compte rendu à venir…). En attaquant ces chemins, je serrais les dents pour elle mais à force de pratiquer, elle commence à bien maîtriser dans le technique et à y prendre plaisir.

A la fin du plateau dénudé, nous passions sans transition à travers une forêt ponctuée de tourbières pour basculer peu à peu vers le flanc et d’apprécier la descente. Dans le fond de la vallée, nous arrivions à Machynlleth, première ville depuis la veille au matin, l’occasion de profiter d’un fish and chips avant d’attaquer une après-midi qui s’annonçait pluvieuse.

Durant l’après-midi la pluie ne faisait qu’augmenter, l’attaque d’un col nous réchauffa rapidement. Le vent était toujours présent, mais depuis le départ nous l’avions dans le dos.

Lors de la descente nous nous sommes refroidis rapidement et l’intensité de la pluie augmentait constamment. Malgré tout, avec le passage du col, un nouveau paysage s’offrait à nous, les roches passaient de l’ardoise au granit et les chemins étaient plus tortueux mais pas désagréables.

Arrivée à Dolgellau, le froid et la pluie nous ont contraint à aller ruisseler dans un salon de thé et d’aviser la suite de la journée. Nous allions rentrer dans le parc National de Snowdonia et la perspective de bivouaquer nous enchantait peu. Un bed and breakfast était à proximité de la trace à une vingtaine de kilomètres, parfait ! Après une portion de route passante, la seule qui traverse le parc, nous sommes arrivée sur place. L’accueil fut chaleureux et la chambre agréable. Le temps s’est dégagé sur la fin de l’après-midi nous laissant apprécier les pointes de Rhinog Farr et Rhinog Fawr.

Dernière journée – 13km – Trawsfynydd…

https://www.strava.com/activities/1905903865

L’objectif du dernier jour était de traverser la dernière section montagneuse et d’arriver à Bangor pour profiter un peu de la côte avant de descendre en train retrouver la voiture, ça c’était le plan, mais tout ne s’est pas passé comme prévu.

La nuit a été marquée par des pluies torrentielles qui ne nous ont pas fait regretter d’avoir évité le bivouac. Parti du bed and breakfast après avoir bien profité du petit-déjeuner, nous avancions sous la pluie mais toujours avec le vent dans le dos.

Après une première partie relativement plane, nous attaquions une descente progressive jusqu’en fond de vallée. La toute dernière portion avait une pente de 20% sur une route détrempée et tapissée de feuilles mortes.

Juste avant un virage à droite, j’entend Capucine crier et l’entendre dire quelle n’a plus de frein. Sans avoir le temps de lui dire de freiner avec les pieds, je la vois prendre de la vitesse et me doubler appuyée à fond sur les leviers de freins. Quand on se prépare pour un trip à vélo, on se prépare à tous les scénarios, à toutes les éventualités, en imaginant les pires situations qu’on pourrait vivre. Cette fois-ci j’en ai vécu une.

Ayant pris une vitesse importante, je me suis dit que le virage n’était pas négociable. Le GPS m’appris après que lors du choc, sa vitesse était de 44 km/h. Je la vis heurter le talus, passer au dessus du vélo et rebondir sur le talus (où se trouvait un rocher) avant de retomber sur la route comme une poupée de chiffon. Je ne pus retenir un cri de désarroi face à cette vision. Je la rejoins aussi vite que je l’ai pu et je me suis précipité vers Capucine qui ne bougeais pas. Je me ressaisi comme je peux, pour garder tout mon sang froid face à cette situation.

En arrivant vers Capucine, elle était sur son côté gauche et bougeait pas, j’imaginais le pire et me demandais pourquoi elle, pourquoi pas moi, pourquoi ici et maintenant… Allez, il faut se ressaisir !

Au premier constat, la partie gauche de son visage était ensanglantée, elle était consciente, très sonnée et souffrait de son côté gauche. Après avoir constaté quelle sentait ses deux pieds et ses deux mains, je la mis en PLS de l’autre côté avec le plus grand soin. Ses propos étaient cohérents et elle pouvait déplacer sa tête, le temps de trouver la couverture de survie et de caler sa tête, je faisais état des blessures. Voyant quelle était en sécurité, il fallait contacter les secours, pas de réseau, il semble y avoir une maison à 50 m, je la laisse à contre-coeur et y accoure. Une femme m’ouvre et je lui explique la situation, elle comprend, s’en va contacter les secours et je retourne vers Capu. Elle est toujours consciente mais faible, j’en profite pour lui parler en nettoyant au mieux ses blessures pour y voir mieux. L’oeil, le nez et la bouche ont tapé, heureusement que le casque était là. Je maintiens la discussion, elle me demande si c’est un rêve ou la réalité, je la rassure au mieux et m’en veut de la voir comme ça… Elle est amochée mais elle va bien, c’est l’essentiel.

L’attente des secours sera interminable, la dame nous rejoins avec un parapluie et des paroles réconfortantes. Il faut gérer l’attente, je la couvre d’un sac de couchage en plus car elle se refroidit. Le temps s’allonge mais les secours arrivent enfin. Ils l’a prennent en charge et nous rassurent sur les blessures. La clavicule est cassée, peut-être le nez. Elle sera acheminée à un hôpital à 1h30 de là, la morphine l’aide à ne pas subir le trajet.

Elle sera prise en charge dans un hôpital bondé avec un traitement très discutable. Elle sortira à 19h en blouse, sans savoir où nous sommes vraiment (pas de réseau dans l’hôpital) et avec le minimum d’affaires que nous avions. On ne sait pas si ils ont voulu que nous rentrions plus tôt en France pour quelle y soit prise en charge où si ils ont voulu se débarrasser de nous.

Le lieu du choc…

La suite du voyage se partagera entre Capucine qui subit les douleurs d’une clavicule non recollée, passant une journée et deux nuits à l’hôtel, et moi qui ait traversé le pays en train pour récupérer la voiture, remonter dans le Parc National, récupérer les vélos et rejoindre Capu pour repartir à Douvres.

Au retour, l’étude du vélo et de ses freins qui lâchent a pu être élucidée. Un des patins du frein avant a « glissé » sous la bande de freinage et le frein arrière freinait au premier abord mais pas assez pour ralentir un vélo chargé, en descente, sous la pluie. La prochaine fois ce sera en disque pour tout le monde, toujours avec un casque et une couverture de survie.

Malgré la fin catastrophique, la première partie du trip au Pays de Galles a été un bon moment. Nous avons quand même profité au maximum, il ne restait que 30 km à faire pour arriver au bout, mais on ne retiens que les bons moments, le reste fait partie de l’aventure et nous permettra de ne pas oublier notre séjour. Et comme a dit Bouddha, c’est le trajet qui compte et non la destination.

Au delà de ça, le Pays de Galles est une région très intéressante pour y poser ses roues. Les paysages se partagent entre la campagnes britanniques typiques, quelques forêts anecdotiques, et les grandes étendues désertes qui se laisseraient confondre avec l’Ecosse. La traversée est accessible, les chemins sont plaisants. Lorsque j’ai récupéré les vélos, j’ai suivi notre trace et c’était bien moins intéressant en voiture. Les gallois sont très accueillants et cordiaux sur la route, il faut juste bien assimiler qu’il faut rouler à gauche, ce qui est plus difficile à vélo qu’en voiture. La nourriture est bon marché avec quelques spécialités appréciables comme le porridge et les gâteaux gallois, une espèce de pancake avec une pâte plus sablée. Après il ne faut pas oublier que le Pays de Galles est un vide humain, il n’est pas toujours évident de trouver de la nourriture et de l’eau et il n’y a du réseau que dans les villes, il faut donc prendre ses dispositions.

Le fait le plus typique lors de cette traversée, au delà du paysage, ce sont les moutons. Ils vous accompagnent sur tout le trajet et je me faisais la réflexion qu’en fait on traverse majoritairement l’espace des moutons et que c’est l’espace des hommes qui est clôturé.

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