
Catabatique. Adj. Se dit d’un vent gravitationnel issue d’une masse d’air froide dévalant un relief. Lorsque le vent ainsi créé est abordé de face par le cycliste, il est propice à l’introspection.
Quand un vendredi à 16h le week-end dans la capitale des Flandres s’annonce gris, avec en plus les contraintes sanitaires, ni une ni deux, je jette un oeil sur les billets de trains et je trouve un aller-retour Lille-Avignon. Les contraintes sont les mêmes mais pas le paysage et le dépaysement est le bienvenu. J’ai jamais été en Camargue, c’est plat et pas mal pour une première. Après une semaine en vélotaf en Brompton ce sera surtout l’occasion de le tester sur plusieurs jours et de pouvoir savoir ce que je peux faire avec un Brompton et si c’est l’idéal pour voyager.
Alex l’orange, le nouveau destrier
Ça faisait un moment que j’étais intéressé pour acquérir un Brompton, j’avais vu l’annonce de celui-là début janvier à 750€, ce qui était déjà pas mal. J’avais mis de côté et quelques semaines plus tard, le prix a baissé de 100€, je me suis dit que c’était l’occasion. J’ai été le chercher à Paris, avec test et réglage dans la foulée. Le modèle est un S2L. Donc avec un cintre « sport » bas, 2 vitesses, des garde-boues et sans porte-bagage. C’est se modèle précisément que je cherchais. Celui-ci est un ancien modèle, il est pas de première fraîcheur, mais la partie mécanique est nickel. Il y avait quelques pièces à changer, la câblerie, la selle, le cintre pas assez large et surtout le tube de selle trop court. J’avais testé sur 50 bornes et le genou n’avait pas apprécié d’être un poil trop bas. J’ai reçu le tube jeudi, donc vendredi le vélo était prêt et à ma taille, d’où l’envie de le tester sur du long.

Malheureusement la forme n’est pas là depuis quelques semaines, je m’adaptes et prévois un tour « court » mais dépaysant et pas traumatisant depuis Avignon. Pour dormir, je prend de quoi être autonome si c’est possible, sinon ce sera en dur. J’ai déjà pas mal emprunté la ligne avec un ou des vélos à démonter, c’est toujours galère. On s’y habitue à force, mais au mieux ça me prend 15 min avec une housse dont je sais pas quoi faire quand je roule. Là j’ai hâte de voir ce que ça donne.
Premier jour – Avignon – Saint Gilles, prologue
Arrivé à la gare de Lille, je chronomètre le pliage, sacoche avant, food pouch, sacoche arrière, pliage du vélo, en 4 min c’est réglé. Pas besoin de housse, facile à transporter et à ranger dans les espaces bagages, en même temps, c’est fait pour ça et c’est bien agréable.

Le train me dépose un peu avant 14h à Avignon. Je prend une formule sandwich que je mangerai sur le vélo en rejoignant. La sortie d’Avignon TGV est toujours bordélique mais une fois sur la rive du Rhône c’est plus cool. Je remonte jusqu’Avignon et bascule en rive gauche.

À partir de là, j’entame la Via Rhona que je découvre. L’itinéraire que j’ai emprunté suit les petites routes, quelques véloroutes et des voies vertes, c’est varié avec quelques passages dans les villages sympas. Je m’attendais à plus monotone, c’est pas mal et surtout très peu de bagnoles, ça c’est cool. C’est pas route mais c’est pas gravel non plus, avec le Brompton en 349×35 ça passe, il n’y aura qu’un passage vraiment rugueux mais c’est tout.

Avec le départ tardif, le couvre-feu approche rapidement. À Beaucaire j’avise, pas de spot de bivouac trop sexy dans le coin, il y a un petit hôtel sympa à 20 bornes à Saint Gilles, le patron est sympa au téléphone. En général j’appelle directement les gites et hôtels, je dis que je suis en vélo, que je paye en liquide et que je n’ai pas besoin de facture, au moins c’est clair. Arrivé sur place, vélo plié et sacoche démonté en 2 min, j’oublie le masque en rentrant dans l’hôtel mais personne n’en a donc c’est réglé.

Après cette première demi-journée, juste un petit ajustement de selle, je verrais demain sur une journée continue. Je reviendrai plus longuement sur le comportement du vélo.
Deuxième jour – Saint Gilles – Arles, la Camargue.

La nuit a été bonne, le gérant de l’hôtel est aussi sympa le matin que le soir. Le mistral est annoncé pour toute la journée du nord-ouest, ça tombe bien je serais majoritairement vers le sud-est, majoritairement mais pas totalement…

Je partirai avec le vent de côté, à un moment la trace partira vers l’ouest, je ferais demi-tour, je verrais Aigues-Mortes un autre jour. Les petites routes se succèdent à travers les marais jusqu’aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Je croise chevaux et taureaux, ce n’est pas une légende. Juste avant d’y arriver, la voici enfin, la mer !

Le vent charrie le sable cinglant les chevilles et remplissant les chaussures. Je repars vers l’est, le vent sera favorable jusque Salin-le-Giraud. La piste qui démarre des Saintes-Maries est assez propre, c’est du gravel mais ça passe bien avec les petites roues. Il y a quelques passages sableux mais rien de trop compliqué non plus. La traversée par le chemin de la Digue à la mer est vraiment sympa, je le recommande. J’ai même croisé les flamands roses encore un emblème de la Camargue.

Une fois à Salin, j’en profite pour me ravitailler à une boulangerie. Vu le vent de face qui m’attend ensuite, c’était un minimum. Après une petite traversée du Rhône en bac, le vent sera de face pendant 40 bornes jusqu’Arles, un mauvais moment à passer, mais c’est long quand même. Le genou et le dos sont tendus en fin de journée.

Je passerai la soirée à Arles dans un petit hôtel, encore, le bivouac sera pour une autre fois. J’étais pas inspiré et j’avais besoin de me poser tranquille sans vent après cette journée de mistral.
Troisième jour Arles-Avignon – La Provence
Pour cette dernière portion, je voulais changer un peu, aller tâter du relief avec ce petit vélo chargé et puis, il faut le dire, j’ai beau venir du Nord, j’aime pas le plat… Je quitte Arles, cette cité mêlant habilement les vestiges romains et romans, le paysage change pas mal, des marais, prairies et rizières, on passe aux oliveraies, à la garrigue et aux falaises calcaires.

J’attaque les Alpilles, c’est pas le Ventoux mais la vue des Baux de Provence se mérite quand même. J’ai le village pour presque moi tout seul, le temps de faire le tour, de profiter de la vue et de finir l’ascension entre les carrières de calcaires.

Je redescends vers Saint-Remy-de-Provence pour la pause boulangerie et je me ferais un dernier plaisir en passant par l’abbaye de Frigolet avant de redescendre vers Avignon et de retourner vers Lille.

Les douleurs de la veille ont disparu, je commençais à me réadapter à enchaîner les jours de vélo et surtout les paysages plus vallonnés sollicitent d’autres groupes musculaires qui permettent de répartir la fatigue. L’arrivée à la gare est laborieux à vélo, ça devient une habitude.
Bilan de ce week-end venteux en Camargue.
Je n’ai rien inventé en me faisant un trip en Brompton, il y en a qui l’ont fait avant et il y en a qui le feront après même sur des épreuves comme la Transatlantic Way et il y en a même qui ont tentés la TCR sans succès. C’était juste l’occasion pour moi de tester ça.
Concernant le Brompton en lui-même, sa grande qualité c’est d’avoir l’aspect pratique du transport facile tout en ayant un « vrai » vélo, capable de rouler vite et confortablement. Il est capable de faire de la longue distance, comme beaucoup de vélos d’ailleurs, mais est-ce qu’il est idéal pour ça ?!? Je ne dis pas non, il y a mieux, mais sur l’aspect facile et pratique, c’est vraiment la meilleure configuration que j’ai pu avoir. Les petites roues offrent un bon comportement à l’ensemble, le vélo est nerveux, on arrive facilement à une vitesse de croisière de 26-27 km/h. La faible inertie des roues est un plus en montée. Mais cela comporte des inconvénients, la faible inertie n’est pas un avantage sur le plat, pour maintenir une bonne vitesse, il faut toujours lui donner. Ensuite, l’angle d’attaque plus faible des roues de 16 pouces fait que lorsque le revêtement gratte un peu, le vélo est très vite ralenti. Sur de la voie verte en petit gravier, ça passe pas trop mal, si c’est du gros gravier, ça bloque. Niveau confort, la suspension (silent-bloc plutôt) cumulée au tube de selle titane de 60cm donne une impression de smooth sur l’arrière qui joue beaucoup sur le confort de l’ensemble. C’est un peu perturbant au début mais on s’y fait vite.
Pour l’avant, je ne regrette pas du tout l’ajout de bar-ends en dernière minute. J’ai passé la plupart du temps dessus. Sur les portions roulantes cela donne une position un peu plus aéro et dans les montées j’ai une position confortable pour « tirer » et être plus efficace en danseuse. Je reste convaincu qu’en flat bar les bar-ends et autres spirgrips sont idéaux.

Concernant la transmission, celui-ci est un modèle à deux vitesses, ce qui donnent 4,47 et 5,96 m de développement. Cela correspond à une vitesse pour le plat et une vitesse pour les montées ou le vent de face. Étant habitué au singlespeed, cela ne m’a pas choqué et je ne me suis pas senti bridé ou oxy, même sur les 4 km de montée vers les Baux. A l’utilisation, sur du plat ou du faux-plat avec vent faible sur un revêtement lisse, le vélo sera idéal. Changer un seul des paramètres et ça se complique mais sans devenir catastrophique. Mais du fait des petites roues, il suffit de se mettre un peu en danseuse pour relancer la machine avec une facilité déconcertante.

Concernant la selle, je suis parti sur une Brooks C17 sans cuissard. Le dernier jour c’est bien passé mais les deux premiers, c’était pas évident en fin de journée. C’est la quatrième Brooks de la série C que j’ai (C13 small et medium, C15) et je peux enfin dire qu’une Brooks me convient sans cuissard.
Maintenant après ces 260 bornes, si il y a une chose que je devrais changer ce sont les pédales, je trouve ce modèle est mal fait. Déjà les plateformes sont trop petites, je chausse du 45, l’appui est pas terrible. Ensuite la pédale gauche est insupportable. Comme elle se replie, elle est plus épaisse que l’autre et j’ai l’impression d’avoir une pédale cubique. J’ai glissé deux fois sur des relances et bien failli me foutre à terre. Je vais vite en changer.
Le Brompton est l’exemple parfait sur la question de la multimodalité des transports (quotidiens) et des voyages. Il est capable de faire les deux sans problème, mais est-ce que c’est le mieux pour voyager ?? Difficile à répondre, au quotidien, en ville, il est idéal, c’est indéniable. Si votre souhait c’est de voyager principalement en train ou avion avec des visites, transferts et même explorations sur plusieurs jours, le Brompton sera parfait. Même en arrivant à l’hôtel, c’est simple de caser le vélo dans la chambre. Maintenant je trouve que le Brompton n’est pas parfait pour les longs trips sur route, ni sur chemins d’ailleurs. Il peut le faire mais ce n’est pas idéal. Comme je l’avais testé, avec mon monstercross chargé, je mets 15 min en gare pour enlever les sacoches, le démonter et l’emballer, c’est 13’ de plus qu’avec le Brompton, par contre je peux tout faire avec mon vélo, confortablement, sur tous types de terrains.
Je réfléchis, pour mon utilisation, les artisans et participants au Concours des Machines se sont déjà bien posés la question, de ce qui pourrait m’aller en terme de vélo de voyage multimodal. La simplicité, le poids, l’encombrement et une plage large d’utilisation du vélo sont les points que je recherche. Je pense à un dinglespeed à coupleurs, en 650, c’est à réfléchir…

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