D’après l’European Divide Trail – La Suède

« Voyons dit le compte en lui touchant l’épaule de son doigt de flamme ; redeviens-tu enfin un homme, Maximilien ?

-Oui, car je recommence à souffrir »

Le Comte de Monte Christo

60h avec JC Guan.

C’est le temps pendant lequel les aventures du Comte m’ont tenu en haleine. Je l’avais dit précédemment, je n’avais jamais écouté de livre audio en roulant, Luc Midot m’avait bien conseillé Lovecraft mais je préfère le garder pour la maison. Si vous ne connaissez pas Lovecraft, c’est à éviter seul au milieu de la forêt, si vous connaissez, vous savez. Et JC Guan, c’est celle qui m’a accompagné toutes ses heures. Elle a un peu partagé mon voyage, j’ai entendu son nom 125 fois, à chaque début de chapitre, je l’entendais fatiguer à la fin d’un chapitre un peu long avec l’accent québécois qui ressortait, j’avais un exquis « Camte de Manté Christo ». Et le chapitre suivant recommençait normalement, en pleine forme. J’ai démarré la « lecture » en Suède, j’avais le ebook le soir et le livre audio la journée. Rapidement je me suis rendu compte qu’il était plus long que je ne pensais, l’histoire avance lentement mais elle est captivante. Je ne le finirais qu’après le Danemark. C’est un long voyage cette histoire, une évasion fortuite et une vengeance savamment organisée. Je l’ai suivi d’une traite sur deux semaines. D’abord un peu chaque jour, puis sans arrêt. Le rythme collait parfaitement avec celui de mon voyage, les heures passaient comme des minutes, c’était le livre idéal pour ce voyage.

Le Golfe de Botnie

Mais reprenons. Après la Norvège et la Finlande, nous étions à la frontière suédoise, prêt à découvrir la mer Baltique. J’avais eu un aperçu de l’embouchure du fleuve passant à Tornio juste à la frontière mais pas de vue dégagée sur la Baltique. Il me faudra d’abord découvrir l’arrière pays. Le littoral ne se laisse pas voir si facilement. Les rivages sont occupés par la forêt sans route qui les longent et un peu en arrière ce sont des zones périurbaines qui comme partout, n’ont qu’un intérêt faible. Je suivrais l’Eurovelo 10 sur une bonne partie.

Le programme est simple, j’ai 180 km jusque Luleå où je récupère un train de nuit pour retrouver l’EDT le lendemain. Il fait beau et doux, la pluie est derrière moi et c’est tant mieux. L’Eurovelo m’emmène d’abord dans l’arrière pays par les pistes, cela change peu par rapport à la Finlande. Je profite d’une pause pour lézarder sur un ponton au bord d’un lac, il y a une cabane pour les randonneurs, ça doit être sympa pour bivouaquer, mais à la visite de la cabane, les bancs ne sont pas assez long pour y dormir et au sol la place et aussi limitée, c’est uniquement pour s’abriter en journée lorsque les conditions sont difficiles.

Je serpente toute la matinée dans les forêts claires couvertes de myrtilles et les hameaux qui rassemblent quelques maisons en bois rouge. J’avance jusque Kalix où je ferais ma pause le midi. C’est la première ville depuis 90 km. J’ai changé de pays et donc de monnaie, fini l’Euro, je passe à la couronne suédoise. Je cherche à manger et je me pose sur un banc au bord de l’eau, un Écossais m’aborde, cela s’entend. Il est routier et me dit qu’il aime pas la Suède car il n’y a pas d’alcool en vente libre, c’est un monopole d’état que l’on trouve uniquement dans les System Bolaget, les magasins d’alcool, il est un peu roots et sympathique. Il faudra que je m’organise pour boire une bière le soir alors.

L’après-midi sera toute aussi forestière avec plus de route et juste une ville pour le goûter. Je ne traînerai pas de la journée et avant l’arrivée, je n’aurais pas vu une seule fois la mer. Les heures défilent au rythme de la lecture audio, je commence à faire connaissance avec le Comte. L’itinéraire est contemplatif, certains diront ennuyeux, je commence à m’y faire en réalité. J’arriverai en fin d’après-midi à Luleå, face à la Baltique, enfin, et ses eaux sombres sous un soleil encore haut pour cette heure.

Train de nuit

J’irai attendre à la gare avec un burger, le dernier du voyage, mon train de nuit qui me ramènera vers l’intérieur du pays. Le train est sur le quai mais il sera en retard de 2h, cela m’arrange, je devais arriver à 5h à ma destination, j’y serais vers 7h. Ayant réservé mon train deux jours avant, je n’ai pu avoir qu’une place en siège inclinable, avec la fatigue de la journée, cela fera l’affaire. Le train se remplit peu, juste une personne entre dans mon wagon, comme par hasard, il a la place à côté de la mienne et le reste sera vide. Les suédois ne sont pas comme les français, il reste à leur place même si le reste est vide. Je m’installe tant bien que mal pour dormir, toujours pas assez de place pour les jambes, j’espère qu’il n’y a pas de ronfleurs, j’ai le sommeil léger. Boules quies et bandeau sur les yeux, je sombrerais rapidement d’un sommeil léger. Je me réveille 1h avant l’arrivée pour partir frais, il n’y a plus personne autour de moi, ceux qui étaient là ont bougé de quelques places, je pense que j’ai ronflé.

Jämtland – Le coin à Myrtilles

Je change de train à Sundsvall pour rentrer dans les terres, me voilà de retour sur la trace vers 9h. Le relief se profile, les forêts et les marais s’enchaînent. Dans les oreilles, je fais connaissance avec Edmond Dantès, un jeune second de navire avec un avenir de marin prometteur. Le paysage défile au rythme des chapitres.

Les forêts sont plus rocheuses, le chemin devient parfois chaotique mais jamais impossible, une marée de myrtilles occupe les sous-bois. J’avais 110 km jusqu’au prochain village, je ne pensais croiser personne. Mais en haut d’une colline, je vois quelques personnes en bordure de forêt en train de cueillir des myrtilles avec un peigne. Ils sont aussi étonnés que moi de les voir et me font comprendre que c’est un coin à myrtille. Ils viennent du Pérou et sont employés pour la cueillette, ils ont des sceaux remplis de myrtilles qu’ils entassent dans leur camionnette. J’avoue que ce sera le meilleur spot que j’ai vus, les myrtilles sont abondantes et bien charnues.

Je rejoins mon point de chute vers 17h30 mais le lieu de bivouac n’est pas à mon goût et il est encore tôt, même si la fatigue commence à se faire sentir. Je décide de pousser jusqu’à la prochaine ville par la route pour prendre une douche et dormir. Les 50 km qu’il reste auront raison de moi. Après une grosse première journée en Suède, une nuit courte et une autre grosse journée j’arriverai sur les rotules à Sveg, accueilli par son célèbre ours en bois qui me rappelle que je suis dans la zone la plus dense en ours de Scandinavie et que je dois m’adapter.

Point de bivouac prévu, trop tôt et trop exposé
Le plus grand ours en bois du monde, voilà.

Première nuit noire

Bien que j’étais prévenu, le prix du camping ici vaut une chambre d’hôtel ailleurs, même si ils sont très bien équipés avec salle fermée et chauffée pour manger, sanitaire nickel avec sauna, c’est quand même excessif, parce que pour le reste, ce n’est que du camping. Une fois posé avec une bière à 2°, la seule que j’ai pu avoir dans le secteur, je prends mon temps pour manger et me faire une tisane dans la salle et en sortant, une chose me frappe, il fait nuit, c’est la première nuit depuis mon départ. Elle tombe bien.

2,8° c’est mieux que rien

Je me réveillerai le lendemain en milieu de matinée, seul au milieu du terrain de camping, la nuit dans le train n’était pas si reposante. Je repartirais à midi.

Le complot

Je choisis une option roulante dans un territoire paisible alors que, pendant ce temps, un complot est en train de se monter contre Edmond Dantès. Je suis captivé par l’intrigue, et l’issue de cette union malintentionnée. J’avalerai les 100 km jusqu’à la prochaine ville dans l’après-midi toujours entre les forêts et les marais avec les montagnes qui se rapprochent.

Särna, la porte des cascades.

Juste avant la ville, je visite une cascade un peu à l’écart de la ville qui me fait du bien par sa fraîcheur et en tranchant avec la monotonie du paysage.

Une fois dans le village, je visite l’église médiévale en bois et la reconstitution d’un ancien village suédois. La soirée est douce, j’ai une place de camping face au lac. Les moustiques sont calmes, je vais me balader au bord du lac. Il me fait du bien ce village, à l’inverse du personnage que je suis, je me libère un peu après ces trois jours lancinants. Je decide de sortir un peu de mon itinéraire et d’aller visiter le parc National de Fulufjällets le le demain. Il est partagé entre la Suède et la Norvège et abrite les plus hautes cascades de Suéde. Ça me plait bien, parce que faire une trace sauvage hors des circuits touristiques c’est bien, mais éviter tous les sites d’intérêt, ça commence à perdre son sens.

Le Parc National de Fulufjället, ses cascades et ses ours.

Les pentes sont plus fortes en allant vers le centre du parc, la montagne ça se mérite surtout en monovitesse. Mon ratio n’est pas trop adapté mais au pire je pousse. Le centre du parc est vite atteint au final, je laisse le vélo et je pars pour une petite rando vers les cascades et le plateau.

La randonnée est plaisante entre les arbres et les marais. À l’approche de la cascade il y a un peu plus de monde mais les chemins sont bien aménagés, la dernière partie se fait entre les rochers, mais la cascade en vaut la peine. Avec ses 93 m, la chute est impressionnante et rafraîchissante, même si la chaleur n’est pas le problème du parc. C’est un des zones au climat le plus continental de la Scandinavie, la température moyenne à l’année est de 1°C.

Après avoir visité la cascade, je reviens en passant par le plateau pour accéder au haut de la cascade. L’univers change totalement, la forêt fait place à des entendues rocheuses couvertes de lichens. L’altitude des 1000 m est proche et le point de vue du haut de la cascade permet d’embrasser le paysage jusqu’aux stations de ski à quelques dizaines de kilomètres et la Norvège tout au fond.

La descente est facile et je retrouve les marais et la forêt. Ce n’est pas grand chose mais cette randonnée fait du bien, pouvoir descendre du vélo et avancer sur des terrains inaccessibles à vélo m’a fait vraiment du bien, je repars rechargé.

En selle, je redescend du parc et rattrape une piste rapidement. En faisant mon parcours il y avait une portion courte qui était indiqué en pédestre. C’est une zone de la partie protégée du parc qui recoupait la piste, le vélo y est interdit, je me dis que je pousserais. Une fois proche de la zone, la piste s’arrête net effectivement, un chemin pédestre lui laisse la place, je pousse, le chemin devient en sentier puis juste une trace dans le marais avec des planche pour marcher, des arbres à passer par dessus, par dessous. Étrangement cela ne me dérange pas, au contraire, ça me change des pistes continues et uniformes.

La traversée ne sera pas si longue et je retrouve rapidement la piste de l’autre côté. En avançant je me rappelle que je suis sur le territoire de l’ours, je guette à chaque virage mais je ne le croiserai pas. La piste se déroule, les collines encadrent ce paysage d’aventure et je me fais doubler par des motards, ce doit être le paradis pour eux.

J’arriverai tardivement au camping, l’accueil sera fermé mais je suis accueilli par un couple de danois intrigué par mon vélo. Ils sont en vacances dans une tente en dur mais ils font du bikepacking l’année, ils me donnent leur code d’accès pour les sanitaires et me proposent tous ce qu’ils peuvent me proposer pour mon confort. Ils sont adorables et connaissent bien le parcours, nous discutons un moment. Je m’endormirais paisiblement au bord de la rivière après avoir ingéré, entre autre, une boite complète de sauce cheddar, le rêve.

Dernière portion de l’EDT en Suède

Le lendemain une nouvelle journée sur les pistes m’attendais. En partant du camping je passe par honnêteté à l’accueil, il veut me faire payer 25€, je lui dit que je n’ai pris que de l’eau froide et je n’ai pas pu accéder aux douches, il ne veut rien entendre, la prochaine fois je serais moins honnête. De cette journée, je me rappelle surtout avoir suivi Edmond Dantès dans son séjour au Château d’If avec l’Abbé Faria, le reste ce sont les pistes et la forêt. Juste le souvenir d’un chemin bordé par un lac et un marais que je suivrai en même temps que les enseignements de l’abbé Faria.

En fin de journée, je redescendrais du plateau vers la partie Sud de la Suède où je retrouverai la civilisation et des températures plus douces. Je n’ai pas eu froid en Suède jusque là, mais ici les soirées sont plus chaudes les moustiques moins présents.

J’arriverai dans un camping au bord d’un lac avec un emplacement au bord de ce même lac. Le camping est tenu par un français très sympathique et accueillant. Il me dit qu’il voit surtout des motards sur l’EDT, je ne suis pas étonné. La soirée sera tranquille et je pourrais organiser la suite du voyage. Les jours s’enchaînent et la semaine défile, j’arrive bientôt à Göteborg et il faut que je réserve une place sur le ferry. Nous sommes vendredi soir, ce qui me laisse une journée de transit avant une journée de visite à Göteborg et le ferry le lendemain pour démarrer au Danemark le mardi. Je n’ai pas le temps pour boucler les 500 km qu’il me reste sur la trace, et entre nous, si je peux m’en passer c’est bien, donc je vise une gare le lendemain à 115 km de là pour être à Göteborg dimanche.

Transition

Le lendemain ce sera surtout des petites routes le long des lacs avec un vent de face continu. Les villes sont de plus en plus peuplées, ça fait une semaine que je n’avais pas vu de ville. Les Suédois aime les Volvo et les grosses voitures américaines, c’est tout ce que je retiendrais de cette journée. J’arrive à Kil en plein rassemblement tuning ou les voitures défilent entre deux rond-points, sans arrêt.

La cabane de Kil et l’ennui sur l’EDT.

Je me trouve une cabane en haut d’une piste de ski qui domine le lac, je ne serais pas mal du tout pour la nuit, j’ai été rincé par le vent et j’en ai un peu marre de la Suède. Il n’y a rien de mal, mais l’itinéraire de l’EDT est trop uniforme, j’ai l’impression de ne pas avoir avancé cette semaine, j’aime rouler, mais j’aime voir des paysages variés et là c’est très uniforme. Surtout que en revenant je remarquerai être passé proche de secteurs avec des parcours et des endroits sympa à quelques dizaines de kilomètres de la trace. Donc la prochaine fois j’anticiperais et tracerais un itinéraire à ma sauce pour ne pas subir un itinéraire qui ne me correspond pas. Le meilleur souvenir que j’aurais de la Suède c’est mon excursion dans le Parc National qui est en dehors de l’itinéraire. Je ne blâme pas l’EDT, j’ai fait le choix de la suivre, je l’assume, mais une fois de plus je ne m’y retrouve pas, donc c’est bien, mais il y a mieux pour moi.

Je dormirai là dessus sur un gazon en plastique dans ma cabane avec vue .

Gothenburg

C’est le week-end et je fais faire un peu de train et visiter pour me reposer. J’arrive à Göteborg dans l’après-midi et je décide d’aller bivouaquer sur les bords de la Baltique. Entre-deux le voyage en train m’a laisser apercevoir des paysages très intéressants dans le Sud de la Suède à l’écart de l’EDT, je pense que cela vaudrait le coup de revenir faire un tour dans le secteur pour avoir une meilleure vision de ce pays.

Une fois à Göteborg, je quitte rapidement le centre vers la côte pour trouver un spot de bivouac. Le littoral est très touristique, les campings sont pleins et les plages bondées. Je sors des sentiers et avancent entre le rochers avec le vélo à la main pour trouver le spot du soir. Je tombe sur une petite plage nichée entre les rochers face à un port de plaisance. Juste assez proche pour profiter de la vue et juste assez loin pour être tranquille. Je me pose, je fais un peu trempette et je profite de la douceur de la soirée, tout est agréable et je me réjouis aussi que ce soit la dernière soirée avec des bières allégées en alcool, le Danemark n’est pas loin et la bière est dans leur culture…

Le ferry est prévu pour l’après-midi, le matin je visite donc Göteborg et ses différents quartiers, il fait chaud, il y a du monde, j’ai besoin de temps pour renouer contact avec la civilisation. Je n’ai pas croisé beaucoup de villes durant ces deux semaines. Mon bilan sur la trace est mitigé d’autant que j’en ai tranché une bonne partie, mais l’expérience est enrichissante, je prends le rythme des journées monotones sur le vélo à apprécier le paysage, un bon livre et des moments de sérénitude seul dans les immensités. Le Comte de Monte Christo, l’Abbé Busoni, Lord Wilmore et Sinbad le Marin commencent à naître, la vengeance se fomente.

Je prendrai le ferry toute l’après-midi, le temps de me poser un peu et de recharger les batteries à bloc, l’accès à vélo est simple et rapide, il y a pas mal de voyageurs à vélo, en face un nouveau pays, de nouveaux paysages et des bières, le routier écossais avait raison, la Suède manque d’une certaine saveur.

Hejdå la Suède.

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