Scandinavian Trail Divide – La traversée de l’Europe du Nord d’après l’European Divide Trail – Chapitre 2 – La Finlande

Région la plus au Nord de la Finlande, la Laponie compte vingt quatre communes dont quatre villes réparties sur une surface équivalente à 1/5e de la France. Il paraitrait qu’il y ait plus de rennes que d’humains. Les populations autochtones, les Samis, s’étendent au delà des frontières norvégiennes et suédoises, ils vivaient traditionnellement de l’élevage de rennes et de la pèche, cela devient minoritaire aujourd’hui. C’est aussi et surtout la région qui abrite le Père Noël, même si cela reste à prouver. La Laponie, un nom qui évoque tant. Une terre d’aventure, des rennes, les forêts et prairies boréales à perte de vue, les aurores boréales, un peuple et sa culture. L’image que j’en avais était assez fragmentaire, j’étais là pour voir ce qu’il en est après ce court passage en Norvège.

Jimmy et Audrey

Après la montée sur le plateau depuis la Norvège et le passage de la frontière, un long cordon de bitume se déroule sous mes roues. C’est plus ondulé que vallonné et les kilomètres défilent. Deux cyclistes se profilent à l’horizon, je les rejoins après un certain temps, ce sont les lillois de la veille, Jimmy et Audrey. Nous discutons tout en roulant pour faire plus connaissance. Ils sont sur les routes depuis le mois d’avril avec leur fille dans la remorque, ils sont remontés de Lille et parcourent la Scandinavie avant de rentrer vers la France. Lorsque je les ai croisé, ils sortaient du ferry qui remonte la Norvège. En discutant, je remarquent qu’Audrey s’arrête souvent sur le bord de la route et ramassent des choses, cela m’intrigue et ils me disent que dans les pays nordiques toutes les bouteilles sont consignées. Cela rapportent entre 10 et 20 centimes d’euros la bouteille. Malgré des habitudes plus clean chez nos confrères nordiques, il reste quelques bouteilles qui errent négligemment le long de la route. Si la pêche est bonne cela peut permettre de payer la bière du soir, ce qui n’est pas négligeable. A partir de ce moment, je ne jetterais plus aucune bouteille jusqu’à la frontière Néerlandaise, limite où les consignes n’existent plus… Même si j’ai pu trainer jusqu’à 5-6 bouteilles vides dans mon sac, ce n’est vraiment pas un gros effort, même à vélo. C’est tout simplement aberrant que cela n’existe pas chez nous.

En roulant et discutant, je sens que j’ai plus en plus de mal à suivre et que je m’essouffle vite, la distraction de la compagnie m’a fait oublié de manger depuis le midi et je sens la fringale arriver. Je refais le plein avant la faute. Il fait beau dans cet après-midi estivo-boréale, le relief est assez mou mais les forêts sont belles et propres, elles sont entrecoupées de marais et de lacs. Hormis la route, il n’y a pas trop d’occupation humaine depuis la Norvège, quelques rennes se font surprendre parfois par notre présence et les voitures se comptent sur les doigts d’une main. Notre petit groupe avance bon train, avec mon unique vitesse je prend de l’avance dans les montées et Jimmy en prend dans les descentes poussé par la remorque. Le premier village approche, c’était mon point de chute pour manger le soir. Jimmy et Audrey me disent qu’ils vont pousser un peu, leur budget ne leur permet pas le resto, leur compagnie était sympathique. Etant donné qu’il n’y a qu’une seule route, je me dis que je les croiserais le lendemain.

Sevettijärvi

Fin d’après-midi sur un lac lapon, le soleil descend doucement vers la cime des arbres, quelques maisons en bois rouge sont éparpillées autour de la seule intersection du village, un camping, un bar-resto et un centre consacrée au peuple skolt, ils appartiennent à la communauté des Samis, sont orthodoxes et viennent de Russie. Le mémorial est fermé, je me rabats, dommage, je dois me rabattre sur le baari. L’accueil est parfait, un bar-resto-épicerie, ils ne parlent pas anglais mais on se comprend, la bière est servie en pinte et en attendant mon burger de renne j’ai le temps de voir arriver un hydravion, le cadre est posé.

Qui s’y frotte…

Juste le temps d’apprécier le moment, manger me fait du bien, j’ai vraiment négligé ça durant la journée, c’est encore les premiers jours, je dois me mettre dans le rythme. Pendant un moment je veux aller au camping et puis je me dis que j’ai tout ce qu’il faut pour bivouaquer donc à quoi bon. Je m’écarte de la route sur un coin de forêt entre deux lacs pensant être tranquille, quelle erreur. Jusque là tout se passait bien, mais j’entends un sifflement désagréable à mon oreille qui augmente lorsque je déballe mes affaires, j’avais beau être dans le déni jusque là, c’est maintenant, je fais ma première rencontre avec les moustiques. La haute saison des moustiques dure jusque début aout donc je pensais arriver après la bataille, mais je pense qu’ils ont dû m’attendre. Leurs homologues français les ont certainement prévenu que j’arrivais. Parce que là je suis accueilli comme un prince, la haie d’honneur, l’orchestre et toute la communauté qui s’amassent peu à peu autour de moi. C’est un festin. Ils ne sont pas agressifs mais bien présents et le moindre centimètre carré de peau à l’air libre devient une cible. Je monte la tente en vitesse et me rend vite contre des erreurs que j’ai fait pour ce voyage. Par souci de poids, je n’ai pas pris la toile intérieure de la tente, mais juste mon bivy, donc juste un sursac de couchage. Bon, il a une moustiquaire c’est vrai, mais étant donné son étroitesse, une fois dedans, je ne peux plus faire grand chose. Il est 20h30, le soleil ne se couchera pas cette nuit et je me retrouve dans mon bivy avec une cinquantaine de moustiques qui me tournent autour et essaient de me piquer à travers la moustiquaire. L’avantage est que je peux quand même écarter la moustiquaire de ma tête, car sinon ils me piqueraient quand même. Au final après avoir trié les photos, fait mon récap du jour et lu un peu, le sommeil est venu tout seul et je ne serais pas embêté de la nuit.

Au réveil les moustiques sont toujours là, mais toujours pas agressifs, je vais prendre mon petit-déjeuner face au lac avant de me mettre en route. C’est encore les premiers jours, je trouve mes habitudes, j’optimise le chargement. Le programme est simple, j’ai 120 km jusqu’à la prochaine ville Inari, j’ai juste à suivre la seule route qui traverse le Nord de cette partie de la Laponie finlandaise. Il y a juste un crochet à un moment pour aller un peu tâter les chemins et changer un peu mais rien d’autre, pas de village, pas de ravito. J’ai prévu pour la nourriture, j’ai deux jours de bouffe sur moi donc ce n’est pas un problème.

La technique de l’éléphant

Après un dernier coup d’oeil sur le lac, je fais le plein d’eau et je prends la route. C’est la première journée avec de grandes tirades dans les paysages nordiques, j’appréhende un peu, pas la difficulté mais la longueur. J’ai pour habitude de gérer sur la durée en divisant à l’aide d’objectifs réguliers. C’est la fameuse technique de l’éléphant :

Vous savez comment on mange un éléphant ?Un morceau à la fois

Rien de bien terrible, diviser pour être mieux appréhender et ne pas faire d’indigestion. Il ne faut que je vise l’arrivée, c’est trop loin et mon esprit ne peut pas se le représenter, il y a trop de choses entre deux, je sais que si je me fixe un trop gros objectif, je vais me dégouter, cela deviendra pour moi insupportable et insurmontable et je vais prendre la tangente et trouver une solution pour ne pas subir et me décharger d’une charge mentale trop lourde. Je fais la même chose dans mon travail, mais j’y reviendrais sur la partie Suède… Donc je découpe avec des objectifs à la demi-journée ou à la journée, généralement je me fixe des objectifs géographiques « à tel village je fais une pause etc ». Ici j’ai pris des objectifs temporels « à telle heure je m’arrête ». Déjà je sais que plus j’avance dans la journée et plus les heures sont difficiles, et en plus de cela il y a les hauts et les bas de la journée. Avec l’habitude tu sais que ça passe, donc tu attends, tu te changes les idées, tu fais une pause, une sieste, tu manges, tu écoutes de la musique. J’écoute peu de musique en roulant, en bikepacking ça a dû m’arriver deux ou trois fois. Une fois dans la montée du Ventoux, j’avais détesté le col du Tourmalet, surtout à cause du trafic. J’aime bien les montées, mais pas quand je dois gérer cela avec les bagnoles, les motos, les camping-car et tout le reste. Donc le Ventoux était très bien passé avec de la musique. J’en avais écouté aussi sur la GTB, sous la flotte toute la journée, il faut savoir se mettre dans sa bulle pour que le moment passe plus vite et mieux. Et ça marche bien, c’est même limite trop facile parfois. Quand la musique ne me suffit pas j’écoute des podcasts ou des livres audios, je n’ai jamais expérimenté à vélo, surtout en voiture sur les longs trajets solo. J’en ai prévu je verrais bien mais pas tout de suite. D’abord je roule en écoutant, en observant tout ce qui m’entoure, pas de réseau et rien à voir sur la carte donc je peux oublier ça. En attendant je pédale sur ma route, le vent est de face, mais je n’y pense pas, vaut mieux pas. Je ne le sais pas encore mais jusqu’en Belgique, j’aurais tous les jours le vent de face.

Taïga

Donc voilà les deux premières heures sont déjà passées à observer ce qui m’entoure, je croise régulièrement des rennes, je les cherche un peu, mais ils ne se montrent pas assez régulièrement pour captiver mon attention. J’observe la végétation, je suis au coeur de la taïga, cette forêt subarctique avec ses nombreux lacs, marais et rivières, voilà, ceci ne bougera pas pendant un moment. Donc je réfléchis à tout ce qui me passe par la tête et semblant de rien, deux heures se passent et après 40 km je me fais la pause du matin au bord du lac. J’apprend par déduction que Jarvi veut dire lac, je longerais toute la journée le lac d’Inari, troisième plus grand lac de Finlande. J’ai un changement de direction au km 80, il faudrait pas que je le loupe… Des voitures et motos me doublent de temps en temps mais assez rarement. C’est vrai que sur des distances pareilles avec des routes en si bon état, la moto peut être un bon choix, du coup je m’interroge pour savoir ce qui serais le mieux pour voyager dans un équilibre pollution/efficacité. J’aime bien bien marcher, mais j’aime bien marcher dans le endroits où je ne peux pas faire de vélo, sinon je préfère faire du vélo. Là où je suis, il est vrai que à vélo c’est totalement monotone, mais ce n’est pas une découverte non plus, donc qu’est ce qui serait le mieux, le van, la voiture, la moto, le vélo de route ? Souhaiter avoir un moteur est souvent une facilité pour l’esprit dans les moments où on commence à être fatigué, lassé. Au même titre que quand la fin nous tiraille notre esprit prend plaisir à penser à des plats exquis et comme le potentiel robinet de cimetière devient plus important qu’une bonne bouteille de vin. La privation redonne de la valeur aux choses, sans tomber dans l’extreme, c’est aussi parfois une bonne chose de revenir à l’essentiel. Arrivé à ce point de réflexion, je pense que je commence à avoir faim, effectivement cela fait 75 km que je roule, un crachin pas fort mais continu est apparu pendant que j’étais perdu dans ma tête. Comme aucun abri ne se présente à moi pendant un moment, je m’arrête sur le bord de la route à moitié abrité par un arbre. Même pas le temps de sortir mon sandwich préparé le matin que je suis assailli par les moustiques, je mange en marchant en rond, sympa comme pause. Ils me piquent à travers le collant, ça va être problématique cette histoire. Pas trop le temps de me poser donc, je repars.

(Dé)Gradation de la voie

Et viens le moment du premier chemin, ça fait un peu de bien de quitter la route. Une portion de 40 km me fera retrouver la route un peu plus loin. Tout commence assez bien, une piste de 4×4 en gravier, je remarque quand même que la piste se transforme en chemins, puis en sentier, puis en marais, puis plus rien. J’avance en suivant un semblant de trace dans les marais, au moins ça change un peu, mais je commence à avoir un coup de mou quand même, la carte m’indique qu’il reste 2 km jusqu’à un chemin plus praticable. J’y arrive péniblement et croise un renne qui avance tranquillement. Le chemin s’élargit et au même moment les nuages s’épaississent, l’averse ne tardera pas à me tomber dessus. J’en profite pour m’abriter sous un arbre et manger, heureusement les moustiques me laissent tranquille à ce moment là. Une fois fois le nuage passé, je retrouve la route quelques kilomètres plus loin et je me laisse descendre vers Inari, première ville depuis 200 km.

Inari

La pluie se reforme le temps que je trouve un supermarché, depuis la veille j’ai retrouvé l’euros, ça fera moins en taxes. C’est mon moment de tourisme où je vais découvrir les spécialités locales comme les rayons de sauce, sauces au fromage, à la charcuterie, à la crevette, normal. Il y a aussi beaucoup de salamis différents, de multiples versions d’une espèce de gouda et du pain noir, ce sera parfait pour ces journées d’autonomie. Je refais le plein, la prochaine ville est dans 240 km. Cornichons, fromage, soda, yaourt à boire, un bon goûter. J’échange avec un autre cycliste qui est vélo de route, il me demande si je fais l’European Divide, apparamment l’itinéraire est assez connu. Une fois la pluie passée, je file vers le camping au bord du lac, bonne nouvelle, il n’y a pas de moustique et un sauna sur remorque, c’est bien la Finlande. L’accueil est excellent, le campement s’installe et je me pose un peu avant d’aller manger. Je suis rincé au sens propre et au figuré. Je fais sécher mes chaussures et mes chaussettes comme je peux et j’enfile mes sandales sur mes chaussettes étanche, elles feront le job.

Je m’orienterais vers un bar-resto pour manger le soir, ce sera l’avant dernier que je ferais du séjour, la vie est assez chère mais en ce contentant de produits de base c’est gérable. Ce sera bière et burger au renne, encore. Lorsque j’étais en train de manger, un couple de cycliste apparamment en voyage vient se poser au resto. En sortant du resto, je vois leur vélos, deux Canyons, qui correspondent bien avec les cartons que j’ai vu trois jours avant à l’aéroport, j’hésiterais à aller les voir. Au passage je n’ai pas croiser les lillois de la veille, j’ai du les doubler lorsque j’ai quitté la route. J’aime bien faire des rencontres, échanger, ça fait des bons souvenirs, mais là j’avoue que je suis crevé et que je n’ai pas envie de faire l’effort, c’est vraiment par flemme. Je retrouve ma tente et je les entends s’installer à côté de moi quelques temps plus tard. Je l’ai entendrais échanger avec les voisins, ils sont allemands et sont le même tracé que moi. Je le retrouverais plus tard sur les réseaux sociaux et on échangera durant nos traversés respectives, j’ai perdu une occasion d’échanger, ça arrive. Ils sont partis la veille de mon départ (le 1er aout) et rouleront jusque fin novembre, bravo ! Après avoir lu un peu, à 23h il ne fait toujours pas noir et il ne fera pas encore noir ici avant deux semaines, mais cela ne n’empêchera pas de dormir.

Journée type

A partir d’Inari, je vais prendre un rythme que je tiendrais jusqu’à la fin, mes journées seront toujours rythmées de la manière suivante

Réveillé sans réveil, entre 8h et 12h selon la journée de la veille, je prends le temps de remballer puis vient le petit déjeuner ou l’inverse si la tente est mouillée. Au petit déjeuner, pain noir, beurre de cacahuètes ou pâte à tartiner à l’amande (une tuerie), fromage, jus de fruit, fruit, café et basta.

Après je roule 3-4 h environ jusqu’au midi avec une pause entre deux dans un coin sympa, biscuit et/ou fruit. Dans la matinée ou le midi je trouve une supérette dans un village, si il en a pas, j’ai anticipé et j’ai de quoi manger. Il y a des tables de pique-nique partout. Sandwich, biscuit, une boisson sucrée. J’aime bien les sodas, j’essaie d’en boire des différents chaque jour, j’ai complètement craqué sur le Trocadéro, un jus de pomme et d’orange gazeux, c’est délicieux.

Il me reste en général 3 à 4 h à rouler l’après midi pour arriver sur mon spot pour la nuit. En milieu d’après-midi j’anticipe mon point de chute lors du goûter, ce sera bivouac, camping, refuge ou shelter au Danemark. Si je croise une supérette je fais le plein pour le soir et le matin sinon j’ai anticipé.

Le soir je pose le campement, je me pose avec une bière pour l’apéro et profiter de la fin de journée, je vais explorer les alentours puis c’est le repas du soir. J’ai un soda pour le soir, un plat chaud (soupe, ramen, plat lyophilisé…), je complète avec du pain et du fromage, yaourt, chocolat et tisane. Et je ne compte pas les kilos de myrtilles cueillis et les bonbons de temps en temps. Je ne parle pas non plus des Salmiakki, les réglisses nordiques au chlorure d’ammonium, c’est une drogue ce truc, ça fait saliver et on ne peut pas s’arrêter d’en manger. Je me fais assez plaisir et fonctionne vraiment à l’envie.

Si il y a une douche, j’en ai pris une et encore mieux si il y a un sauna, sinon je prévois 2,5 litres d’eau pour le bivouac, 0,25 l pour me rincer, 1 litre pour manger le soir, 0,5 l pour le petit déjeuner et le reste en sécurité jusqu’au prochain point d’eau. Si j’ai moins, je vais être limite et j’aime pas passer la nuit en étant limite en eau. L’eau se trouve assez bien, j’ai un filtre, je ne l’ai pas beaucoup utilisé mais il a été utile quand même.

Pour les campings, ils sont toujours équipés d’espace couverts et /ou fermés, c’est bien quand il fait froid mais aussi pour les moustiques. Il y a souvent de quoi faire chauffer, voir un frigo et même parfois un espace pour faire du feu. Ce sont plus des campings de voyageurs propices aux échanges que des lieux transformés en lotissement de bungalows nettement moins accueillants comme on en voit beaucoup par chez nous.

Dans les supérettes et les supermarchés le café est en accès libre, il faut payer le gobelets à la caisse, au début c’est étonnant mais on s’y habitue rapidement. Je ne verrais pas de boulangerie avant l’Allemagne mais les supermarchés ont souvent un comptoir dans la galerie avec des pâtisseries, des sandwichs et des boissons, cela me suffira largement pour les pauses du midi ou en journée. En Norvège je m’approvisionnerais dans des Kiwi et des Rema, en Finlande ce sera K-Market et S-Market, ICA en Suède, Spar et Coop au Danemark et Rewe en Allemagne.

J’aurais toujours assez de place dans les sacoches que je complète avec mon sac à dos compressible. Parfois, après une longue journée, il n’est pas rare que le sac à dos soit plus lourd que d’habitude, ça arrive régulièrement d’avoir les yeux plus gros que le ventre après une grosse sortie, mais ce n’était pas un problème pour le vider malgré tout. Vu les journées, ce n’est pas un luxe non plus de bien manger, je perdrais quelques kilos sur le voyage mais rien d’énorme non plus. Tout le long je m’assurerais d’avoir un bon renouvellement et une variabilité de la bouffe dans les sacoches, sinon il reste toujours des trucs qu’on avait envie à un moment mais plus après, dans parler des trucs à moitié entamés qui trainent et se répandent partout.

Et il restera une constante dans les éléments, je l’ai déjà signalé, c’est le vent, tous les jours de face. Je m’y suis fait, mais en singlespeed dans des régions un peu vallonné, ce n’est pas des plus évidents. Sur le plat ça peut aller, si il ne souffle pas trop fort, c’est trois coups de pédales, on attend et on recommence, sinon c’est pédalage constant en étant de temps en temps dans le prolongateurs pour souffler un peu mais je n’aime pas trop y rester trop longtemps. Dans les montés, ça va, c’est normal, sur la selle, en danseuse ou à pied selon la pente et en descente cela peut être très frustrant, les faux plat descendant sont horribles, je pense que ça va aller mais non faut pédaler quand même. Je m’écrase au maximum dans les prolongateurs pour profiter de la pousser en descente toujours trop courte.

Taïga (suite)

Réveillé tôt au camping d’Inari je me prépare pour une grosse journée, globalement, il n’y a pas de ville avant la frontière suédoise à 240 km, c’est un grand vide qui m’attend. On est vendredi et le temps s’annonce mauvais pour les prochains jours. Là où j’en suis, je n’ai pas le choix, je dois avancer.

« Sweet or Salty »

Je me rappelle peu de la matinée, je sais seulement que c’était beau, la forêt, croiser les rennes, apercevoir un élan, puis c’était long. De la route continue, je sors la musique rapidement. Je mangerais sur un parking sans m’asseoir assailli par les moustiques, la pluie arrive ensuite, je m’arrête plus tard à Kittila, seul village croisé après 80 km, réputé comme étant l’endroit le plus froid de Finlande. Je ne sais pas si cela à un lien, mais c’est le seul moment du voyage ou je serais aussi couvert et le seul où je mettrais la veste de pluie et les gants. Il y a quelques habitations et un baari, j’entre et m’adresse à la gérante en anglais, elle appelle son mari et s’en va. Lui, un vieux Sami, le regard doux et malin m’interroge, je lui dis que j’ai froid et faim, il me donne un mug en me désignant la cafetière du menton et me demande « Sweet or Salty », je répond sweet et il me sort un énorme beignet à la myrtille. Je suis refait. Je n’ose pas lui demander de le prendre en photo, il collait parfaitement avec son baari. L’endroit est hétéroclite, la déco chargé, ils vendent de l’huile moteur, des chaussettes et des couteaux. Il fait chaud, les chaises sont limées par le passage des voyageurs, je savoure l’instant, j’y resterais 45 min. Il n’y a rien à 80 km à la ronde, c’est un véritable oasis nordique. Mais il faut se remettre en route, la pluie continue, il est 15h30 et la prochaine ville est à 140 km, je ne veux pas m’arrêter trempé en bivouac ce soir. En m’écartant un peu, je peux aller jusque la station de Sirrka, ce sera mon point de chute du soir, il reste donc 100 km.

Remise en question

L’après-midi sera particulière, j’en garde que peu de souvenirs. Je me rappelle très bien que peu de temps après le bar, la route à fait place à la piste, ma première vraie piste finlandaise. C’est une voie large d’un dizaine de mètres, assez lisse, il y a quelques nids de poules mais ça va. Un peu de graviers sur les côté mais la partie centrale est plus lisse, ici ils appèlent ça une route. C’est vrai que c’est un plus roulant que certaines routes chez nous, les véhicules sont limités à 80 km/h et tous les véhicules y passent, les voitures, les motos, les camping car, les bus et les camions.

Les bosses s’enchainent, c’est un peu plus marrant que le matin et ça me réchauffe un peu. A 30 km de l’arrivée, la route est en travaux et les graviers se font plus gros et pénibles, je serre les dents, ça n’avance pas mais la fin est proche. Cela dure 20 km, après je retrouve la route qui me conduit à Sirkka, j’essuie une dernière averse juste en arrivant en ville question d’être bien trempé. En sortant du magasin, je suis arrivé dans une station de ski, les pistes sont collées au centre. Je ne suis pas bien haut en altitude, mais les pistes motoneige en parallèle de pistes cyclables m’indiquent que cela doit bien être enneigé l’hiver.

Quelques courses et je file au camping au bord d’un lac. Le camping est simple avec un gros blocs fermés et chauffé qui renferment tous les services possibles. J’ai assez froid avec toutes mes affaires trempées, je plante la tente et en le faisant, quelque chose me dérange, les moustiques, non, je commençais à y être habitué, c’est autre chose que j’ai déjà croisé en Ecosse, les midges. Ces petites mouches qui rendent fou, il y a en a peu mais il y en a quand même. Une fois la tente plantée, je file aux sanitaires, sauna pour moi, sèche-linge pour mes affaires et mes chaussures. Tous est sec ! Petite bière et je me pose au chaud pour manger et réfléchir, car ce n’est pas tout mais je ne sais pas encore ce que je vais faire le lendemain.

L’European Divide c’est bien mais à petite dose.

La frontière suédoise est à quelques dizaines de kilomètres, cela fait trois jours que je suis en Finlande, même si je n’ai vu qu’une petite partie de la Laponie, je sens que le reste peut vite être long. Dans les faits, il me reste 2500 km à travers la Suède, soit 2500 km de forêt, cela fait une semaine que je suis parti, et au rythme où je suis, je peux faire 1000 km par semaine, je pourrais rouler plus longtemps, mais je n’ai pas envie, ce sont des vacances et pas un défi à réaliser. Il me reste donc 3 semaines avant de rentrer, cela ferait donc encore 2,5 semaines en Suède et derrière un peu de Danemark avant de rentrer, cela ne me branche clairement pas. Je ne suis pas loin de Rovaniemi et de la Mer Baltique, c’est dommage d’être ici et de ne pas voir ça. Il me reste deux solutions, soit continuer sur la trace et faire deux semaines et demi de forêt continue, soit partir vers la Baltique et reprendre la trace un peu plus loin pour avancer et descendre plus bas jusque l’Allemagne, ce serait bien mieux. Concernant la trace, elle est bien, très roulante, très sauvage mais comme dit son créateur, il a voulu tracer un itinéraire loin des circuits touristiques, le défi de cette Divide se joue plus sur la distance que la difficulté technique et physique. Mais moi, ici, j’ai un peu envie de faire du tourisme, je repose donc ma hache et je m’oriente donc vers Rovaniemi. Le dernier élément qui finit par me convaincre c’est la pluie annoncé dans les deux jours qui arrivent et pas de camping le soir pour se poser. C’est le premier week-end du voyage, je choisi le tourisme donc et après je verrais. Je termine mon soda à la crème et mes macaronis au fromage, je récupère mes affaires sèches avec mes chaussures qui ont embaumés la totalité du bloc sanitaire et je me couche là dessus dans un nuage d’antimoustique.

Le Cercle Polaire Arctique, ou presque.

Jour de repos – Le matin je ferais sécher toutes mes affaires avant de tout ranger et de partir vers le centre de la station. Une fois prêt, j’ai pas vraiment de plan, juste un besoin, je me mets en route vers Sirkka, c’est une station de ski en basse saison avec quelques commerces, je trouverais mon bonheur ici.

Les portiques à vélo sont faits pour les Fatbike, avec mes 2.25 c’est un peu ridicule. Après avoir exploré quelques magasins, je trouve mon bonheur avec un pantalon de rando orange, je suis à la mode scandinave, faut le voir porté quoi. Il n’est pas indispensable mais avec les moustiques, c’est d’un grand confort et il faut dire que le week-end est frais. La suite de la journée sera une tentative de rallier Rovaniemi par la route, mais l’averse et la Nationale fréquentée auront raison de ma patience. C’est le week-end aussi, je me jèterais dans le premier bus qui me fera traverser sans m’en rendre le cercle polaire, j’aurais bien voulu le voir, au moins pour la forme, il est à quelques kilomètres de la ville, j’aurais peut-être le temps le lendemain.

Rovaniemi, ville des lutins.

Le temps est maussade et la ville est grise, j’en ferais le tour rapidement avant de rallier le camping au bord de la rivière. En y allant, je fais un détour par le supermarché, il y a quelques bikepacher en velo de route assez bien équipés, mais oui, la North Cape passe par ici, j’échangerais quelques mots avec eux mais ils ont pas mon temps. Rovaniemi est la ville principale de la Laponie, c’est un peu touristique, c’est aussi la ville du Père Noël, le camping est donc cher, mais il y a le sauna et il fait frais, ça se prend.

Une fois la tente installée je me plonge dans les cartes pour prévoir la suite parce que semblant de rien, j’ai quitté la trace et je ne sais pas dans quoi je vais me lancer. Rallier la Baltique, voir le Golfe de Botnie et rattraper la trace c’est bien dans les grandes lignes.

Le motard allemand.

J’ai du temps dans l’après-midi pour flâner et observer les voyageurs, c’est toujours passionnant pour moi, je m’imagine leur parcours, d’où ils viennent, ce qu’ils font, parfois je vais discuter avec eux, parfois mais ce n’est pas un besoin ni une nécessité, je marche au feeling, j’aime pas les touristes, il m’arrive même de faire semblant d’être étranger avec les français, ce n’est pas souvent les plus sympas en voyages. Mais je fais de bonnes rencontres, c’est juste que je n’ai pas le besoin de parler à tout le monde. Justement, j’observe un motard en ce moment, on est arrivé presque en même temps, il est méticuleux mais un peu gauche. Il organise bien ses affaires, fini de s’installer, sort une bière et fait cuire des saucisses, il est allemand. Il y a la soixantaine, est grand, bon vivant, un air tendre, la chevelure chamboulée par le casque. Il voyage sur sa BMW 1200 GS. Une fois installé, il fait une photo du campement et l’envoie, à qui, sa femme, ses enfants ?!? Il a un l’air curieux à chaque fois qu’il consulte son téléphone, il attend une réponse. Ce sont les seules choses que j’apprendrais sur lui, je lui ai dit bonsoir quand il est venu manger dans la salle, il m’a regardé et m’a ignoré, mauvais jugement.

Il faut partir d’ici, c’est décidé, le lendemain je fonce vers la mer pour rallier la Suède et y passer la semaine. Bonne nuit.

Dernière journée finlandaise

Ce sera la nuit la plus fraîche que je passerai du voyage avec 4°C et le vent qui s’engouffre sous l’entrée de la tente. Je file ensuite à la gare et je me plante sur les horaires, j’ai 3h à attendre, ça me laisse du temps pour organiser la semaine à venir. Entre la trace qui est loin de tout, les 18 compagnies de train et tous les itinéraires vélos, c’est le bordel. J’arrive à bricoler un truc en faisant 190 bornes de vélo, puis en enchaînant un train de nuit et en rattrapant l’EDT en shuntant la partie Nord de la Suède. Billets réservés, traces tracée, il n’y a plus qu’à.

Une fois organisé, il ne me reste qu’1h avant le train, avec tous ce bordel, j’ai oublié d’aller voir le Cercle Polaire, il est à 8 km, c’est juste, surtout que les trains sont en avance ici. Je suis un peu déçu, mais ai-ce vraiment important ?! Juste dommage pour la symbolique, en tant que voyageur ou géographe, la symbolique est importante.

La fin de journée sera assez banale avec quelques kilomètres de pistes cyclables le long d’une Nationale pour rallier la frontière suédoise. Je vais jusqu’à la frontière, j’aperçois un Ikea, la Suède est là.

La semaine se termine sous le soleil dans un dernier sauna finlandais. J’aurais traversé la partie entre l’Ocean Glacial Arctique et la Mer Baltique. J’ai bien aimé la Finlande les finlandais, le retour à l’€uro, les saunas. Je n’ai pas vu la nuit, c’est assez plat et les routes sont longues et introspectives, mais c’est comme la Flandre, quand on y va, on s’est à quoi s’attendre. J’ai hâte de voir un peu plus de relief en Suède et surtout plus de pistes dans les grandes étendues sauvages. J’ai pris mon rythme de croisière, tout va pour le mieux, espérons que ça continue comme ça.

Hei hei

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